Voici mon dernier texte de la semaine prochaine… il me fait sourire ce texte, et vous?
Élisabeth est une jeune parisienne en vacances à la campagne, chez des parents…
Elle allait s’avancer vers l’armoire, quand son coeur se crispa et ses jambes fléchirent. Muette d’horreur, elle considérait fixement le mur, en face d’elle. Dans ce désert de plâtre, une énorme araignée noire s’étalait comme une tache d’encre aux prolongements filiformes. Les poils mêmes de ses pattes se détachaient avec une netteté affreuse sur le fond blanc. Accroupie sur ses huit membres pliés, elle était prête à trotter, à bondir. Élisabeth sentit sur sa peau la galopade légère du monstre. Un frisson la chatouilla dans la région des reins. Elle poussa une clameur folle, se rua vers la porte, dévala les marches, et toujours hurlant, tomba dans les bras de tante Thérèse. Des figures inquiètes l’entourèrent. On la pressa de questions. Elle reprit son souffle et hoqueta:
» Dans ma chambre…, une araignée…, une grosse araignée !…
– Ce n’est que ça ? dit tante Thérèse en riant. Il ne faut pas avoir peur des araignées. Tu n’es pas une mouche! Elles ne te feront pas de mal!
– Je ne veux pas remonter là-haut « , dit Élisabeth.
Elle tremblait. Elle claquait des dents.
» Mon Dieu, que cette enfant est donc nerveuse ! » dit Ménou. Pépitou, téméraire malgré son grand âge, se dirigea vers le perron :
» Je t’en débarrasserai en un clin d’oeil, moi, de ton araignée! » L’oncle Julien, enflammé par l’exemple, lui emboîta le pas.
L’araignée était toujours là, immobile, noire, le corset reposant à l’aise dans le berceau des pattes écartées.
Pépitou se proposait de la tuer à coups de pantoufle, mais son gendre avait une autre idée :
« Si nous pouvions la capturer vivante, je la montrerais aux élèves à la rentrée.
– Comment vas-tu t’y prendre? demanda tante Thérèse.
– Qu’on me donne un grand verre » dit-il avec autorité.
Pépitou, de son côté, s’était emparé d’une boîte en carton, dont il espérait se servir comme d’un piège. L’araignée se trouvait entre l’armoire et la tête du lit.
« Je vais essayer de l’attraper par la droite, dit l’oncle Julien. si elle s’échappe vers la gauche, Pépitou, vous l’arrêterez.
– Comptez sur moi », dit Pépitou.
L’ombre de l’oncle Julien se coucha sur le mur. Pendant qu’il préparait son intervention, les pattes de l’araignée se détendirent comme des ressorts. à trois reprises, il colla violemment son verre contre la paroi blanche et nue, mais l’insecte, plus prompt que lui, ne se laissa pas coiffer. Porté par ses béquilles velues, il se déplaçait follement en zigzag, au-dessus du lit.
« À vous, Pépitou! » dit l’oncle Julien.
Pépitou s’appuya d’un genou sur le matelas, visa et appliqua sa boite, lourdement, à côté du but.
L’araignée descendit vers la couverture.
« Vite! Vite! » cria tante Thérèse.
Déséquilibré par son premier effort, Pépitou donna de grands coups maladroits avec le carton pour empêcher la fugitive de poursuivre sa route. Chaque fois, il arrivait trop tard. Élisabeth, debout près de la porte, trépignait de dégoût et d’épouvante.
« Attention, Pépitou ! gémissait Geneviève. Plus par ici !… Tu vois bien, elle file ! elle file ! … Dépêche-toi, tu vas l’avoir ! … »
Soudain, l’araignée disparut.
« Elle est dans le lit ! hurla Élisabeth.
– Mais non, dit tante Thérèse, elle est partie.
– Elle n’est pas partie, elle est dans le lit ! » reprit Élisabeth, d’une voix enrouée par les larmes.
Tante Thérèse rejeta les couvertures, souleva l’oreiller, secoua les draps, l’araignée restait introuvable.
« Alors, elle est derrière ! » dit Élisabeth. Un peu confus d’avoir manqué leur chasse, Pépitou et l’oncle Julien écartèrent le lit de la cloison. Tante Thérèse, Geneviève, puis Élisabeth se hasardèrent dans la ruelle. Leur inspection les amena à conclure que l’animal s’était sans doute réfugié dans quelque trou.
« Elle en sortira la nuit ! balbutia Élisabeth. Elle se promènera sur moi ! Oh ! tante Thérèse, c’est affreux ! Je ne pourrai pas dormir ! Je t’en supplie, fais quelque chose ! … »
Henri Troyat, La Grive
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Différents textes de la semaine 23
*** Il fait parti de mon document de texte, vous le retrouvez p.5 à 7